> Des pistes d’action pour lutter contre le déclin du commerce en ville.

31032017

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Capture d’écran 2017-03-15 à 22.08.38Le 16 mars dernier, j’assistais à Marne-la-Vallée à une journée très instructive consacrée aux « espaces urbains vacants ». Organisée par l’Ecole d’urbanisme de Paris (EUP), elle-même installée sur le campus de Champs-sur-Marne, cette journée réunissait des chercheurs et plusieurs professionnels, qui ont mis en évidence les nouvelles pratiques à l’oeuvre dans la résolution de ce mal qui touche nos villes.

Cette problématique d’actualité constitue une évidence visuelle et politique dont chacun peut prendre conscience à Limoges (ou ailleurs), à l’aune du nombre de vitrines closes, de façades décaties, de bâtiments en friches… Les élus et les citoyens sont souvent désemparés face à ce déclin des quartiers historiques et résidentiels, même s’il est évident que les choix d’aménagement opérés par les premiers, et les pratiques des consommateurs que sont les seconds, sont en cause.

Les intervenants de la journée ont donc apporté leur pierre à l’édifice de la reconstruction des centres historiques en perdition. Dans un premier temps, il s’agissait de rappeler en quoi agir sur les espaces urbains vacants n’est pas chose aisée : la très grande diversité des sites (ancienneté de la vacance, type de bâti…), l’absence de recensement, la difficulté de parfois en retrouver les propriétaires sont autant de contraintes à gérer.

Parmi les présentations, deux ont tout particulièrement retenu mon attention.

La première fut effectuée par la « Fédération des Boutiques à l’essai ». Cette structure associative est née du constat tristement classique effectué par la municipalité de Noyon, dans l’Oise, d’une très forte vacance de ses commerces de centre-ville. L’idée est de permettre à un porteur de projet d’expérimenter une idée de commerce dans un local vacant, pour une période-test de 6 mois. Le postulant est auditionné par un comité de sélection composé d’élus, du manager de centre-ville, de l’association des commerçants, de représentants des chambres consulaires, du promoteur privé associé et aussi de la banque, du comptable et de l’assurance qui se portent garants. S’il est sélectionné, l’heureux élu bénéficie d’un local à loyer modéré sans travaux de gros œuvre, d’un accompagnement en amont de son installation (business plan) et en aval (suivi après ouverture), d’un financement préférentiel octroyé par le conseil municipal (prêt à taux 0%) et bien entendu du réseau de partenaires et de l’assistance juridique et méthodologique de la Fédération. Ce dispositif a le mérite de dépasser l’aspect curatif de la « boutique éphémère », et de rassurer les promoteurs privés rassurés par un tel accompagnement du commerçant et qui de fait seront plus enclins à alléger le loyer.
L’idée a séduit et donc essaimé dans plusieurs autres villes en France. Le bail est renouvelable une fois, et peut aboutir sur une pérennisation de l’activité. Un outil qui s’avère donc intéressant dans la relance de l’activité en ville, y compris en termes d’image et de volonté politique, d’autant que le Fédération, régulièrement sollicitée par les gestionnaires de grandes surfaces pour relancer les galeries commerciales, se refuse à intervenir dans ces contextes dont on sait qu’ils contribuent à miner l’activité dans les quartiers centraux.
On pourra néanmoins regretter l’absence à ce jour de prise en compte de la parole citoyenne et habitante dans les comités de sélection, mais l’évocation de cette lacune lors de la table-ronde a semble-t-il positivement interpellé le représentation de l’association.

L’autre intervention était assurée par l’association « Rues du Développement durable » (RDD). Installé à Saint-Etienne, ville en récession durement marquée par la crise industrielle, le collectif s’appuie sur le même constat d’une forte vacance dans des quartiers résidentiels de la ville, où la concurrence des supermarchés et la tendance à l’uniformisation commerciale minent le tissu de proximité.

RDD fait office de facilitateur entre les porteurs de projets et les autorités. L’association s’engage dans la difficile recherche des propriétaires de locaux parfois abandonnés depuis de nombreuses années et donc fait profiter les porteurs de projets de sa bonne connaissance de l’état actuel et local de la vacance. RDD peut aussi souscrire un emprunt bancaire, négocier avec le propriétaire la gratuité ou la progressivité du loyer, et met à disposition un réseau informel de partenaires (artisans notamment). L’association incite également l’épargne populaire pour parvenir à l’achat de locaux. En outre, fait très stimulant, l’association met en place des ateliers avec les habitants pour sonder leurs aspirations en termes de services, et ainsi faire en sorte de trouver les porteurs de projets qui soient les plus en adéquation avec les besoins de la population, notamment des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Un bon moyen d’éviter la mono-activité et la gentrification ! L’association a diversifié son activité en promouvant une Université populaire et en créant des bureaux partagés en plein cœur du quartier populaire et alternatif de Crêt de Roch.

La responsabilité des professionnels est d’autant plus grande pour orienter décideurs et usagers vers de nouvelles pratiques, qui fassent figure de remèdes à cette crise et qui dans le même temps intègrent les nouveaux enjeux de la biodiversité ou de la sobriété énergétique. Il convient de signaler qu’il n’existe aucune solution miracle – et sans doute cela sera-t-il le cœur du propos d’Olivier Razemon, invité à en parler autour de la présentation de son livre consacré au sujet le 20 avril prochain à Limoges. Simplement, par le débat, le partage de bonnes idées, peut-être pourra-t-on faire prendre conscience à chacun du rôle éminent qu’il peut jouer dans la revitalisation de nos petites et grandes villes.




> Penser collectivement la démocratie dans l’aménagement des territoires

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cist2016_afficheJe participais ces deux derniers jours, au titre de mon travail au sein du département de géographie de l’université de Genève, au 3e colloque du Collège international des sciences du territoire (CIST), intitulé pour cette édition « En quête de territoire(s) ? », à la Cité des territoires de l’Université de Grenoble Alpes. Enseignants-chercheurs, doctorants, mais aussi techniciens, élus, animateurs du territoire se donnaient rendez-vous autour d’une multitude de présentations et débats consacrés à l’avenir des territoires et notamment aux défis de gouvernance qui se posent à eux. « Comment assurer la bonne marche de notre démocratie dans les projets d’aménagement ? » ; telle pouvait être la formule-maîtresse de ce rendez-vous qui avait le mérite de réunir les universitaires autour d’enjeux concrets d’intérêt général, bien loin de la caricature contemplative et profiteuse à laquelle on les a parfois hélas assignés.

L’occasion pour moi de contribuer à une réflexion personnelle sur deux engagements. L’un associatif, celui de l’association 55 citoyens pour Limoges au sein de laquelle nous nous efforçons de réfléchir à de nouvelles manières d’agir ensemble avec les citoyens « sans statut » pour une plus grande acceptabilité des projets publics. L’autre plus personnel, à savoir la détermination et l’affinement de mon projet professionnel, à l’heure où jamais je n’ai tant hésité entre un projet de thèse et un engagement plus direct dans le monde du travail autour des questions d’aménagement, justement. Viendra bien vite le temps du choix.

Parmi les interventions auxquelles j’ai pu assister, je retiendrai, pour les plus passionnantes :

  • Celle d’Arnaud Brennetot et Michel Bussi (« Une géographie impliquée en faveur de la réforme territoriale : l’exemple du  »groupe des 15 » en Normandie »), qui ont contribué à mettre en place dans cette région un collectif transgénérationnel et relativement médiatique de géographes engagés dans le débat sur la réforme territoriale et résolus à le rendre public au sens premier du terme. Un moyen de prouver que la participation des chercheurs au débat public peut s’effectuer au niveau local, que l’aide à la décision publique peut aussi passer par des engagements de la société civile, mais aussi de souligner les limites de ces mobilisations (quel effet dans le temps ? quelle marge de manœuvre ?)

 

  • Celle de Christophe Parnet (« La métropole comme demande politique locale de territoire : le cas de Lyon »), qui a souligné combien la création de la Métropole de Lyon s’était faite dans le plus grand secret, comme effet de relations de pouvoir, par simple accord entre deux hauts responsables politiques locaux, en cela largement aidé par le cumul des mandats permettant aux élus municipaux de faire valoir leur projet en tant que sénateurs, qu’ils sont aussi ;

 

 

 

 

  • Celle de Claudy Lebreton, ancien président de l’Assemblée des départements de France, à la tête du département des Côtes-d’Armor jusqu’en 2015, qui s’est vu confier par le gouvernements deux rapports sur le rôle du numérique dans l’avenir des territoires, puis sur la nécessaire réforme de la politique d’aménagement du territoire en France (davantage de démocratie notamment !), et plaidant en faveur d’une véritable décentralisation ;

 

  • Et enfin, l’atelier en deux parties consacré au quartier populaire de La Villeneuve. Ce quartier prioritaire, à cheval sur les communes de Grenoble et Echirolles, tristement médiatisé en 2010 après plusieurs heurts ayant conduit à la mort d’un jeune du quartier et au triste discours ultra-sécuritaire de Nicolas Sarkozy, a fait l’objet dans la foulée d’un premier projet de rénovation contesté par les habitants en raison de son aspect assez directif et imposé sans réelle concertation. La mobilisation d’un tissu associatif et social dynamique, l’arrivée en 2014 d’une nouvelle équipe municipale menée par l’écologiste Eric Piolle, et surtout le concours des universitaires grenoblois (géographes, urbanistes, architectes…) ont permis l’émergence d’un nouveau projet, très largement porté par un impératif de co-construction et d’empowerment (autrement dit de transfert de compétences et de dialogue mutuel et horizontal entre riverains-usagers, décideurs et experts). Une démarche extrêmement intéressante, qui réinterroge profondément les manières de faire les territoires en France, mais qui pointe aussi l’inégalité des territoires face aux moyens de faire émerger les solutions. En effet, m’est venue une réflexion : s’il n’est évidemment pas question de remettre en cause les difficultés traversées par le quartier ces dernières années (au contraire), l’attention médiatique et la dureté des épreuves récentes n’ont-elles pas favorisé une solidarité locale tout-à-fait vertueuse ?
    Par un discours extrêmement volontaire, l’institution académique grenobloise réaffirme sa responsabilité sociétale de ne pas se contenter de faire des recherches « sur », mais aussi de faire des recherches « avec », au service du territoire sur lequel elle exerce et des habitants qui l’entourent, notamment en ouvrant ses murs à la population via un tiers-lieu. Mais que peuvent faire les villes qui n’ont pas la chance de posséder d’écoles d’urbanistes et d’architectes* ? Dont les décideurs locaux, tristement défensifs et méfiants, demeurent hermétiques à la valeur de l’expertise d’usage dont les habitants sont les détenteurs ? Dont les techniciens, abandonnés à leurs réflexes corporatistes et technocratiques en l’absence de volontés publiques de les ouvrir à la société civile, restent arc-boutés sur leur certitudes ?

 

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En somme, il s’agit de se demander si La Villeneuve, malgré un lourd héritage, n’a pas aussi pu compter sur un contexte favorable à la construction d’une réflexion commune (élus, chercheurs, citoyens…), contexte dont tous les quartiers ne peuvent bénéficier. Pour favoriser l’égalité des chances de tous les territoires face à ces défis, l’Etat, plutôt que de freiner des quatre fers, n’aurait-il pas à assumer son rôle d’acteur majeur du renouvellement des modes de gouvernance en assumant une fonction d’incitateur et de facilitateur des démarches locales de co-construction ? D’autres impératifs m’ont empêché d’assister à la fin des débats, mais je ne doute pas que des compte-rendus constructifs en seront tirés. Alors peut-être pourrai-je complètement prendre la mesure de cette contribution au débat sur le devenir nécessaire de la participation citoyenne à l’aménagement du territoire. La diversité et la qualité des présentations durant ce Colloque permettait au moins de saisir combien la recherche universitaire a toute sa part à prendre dans la mise en place de solutions d’intérêt général.

* Je me souviens ici d’un enseignement tiré d’une exposition sur les projets architecturaux à Limoges en 2010, où l’organisatrice reconnaissait le rôle capital de l’institution d’enseignement dans l’émergence de projets au service de la ville où elle réside.

Crédit photo : CIST 2016, @reseau_urbain







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