> Réfugiés : merci à France 3 Midi-Pyrénées

27102016

Réaction au communiqué de la rédaction de France 3 Midi-Pyrénées suite au torrent de commentaires haineux suscité par l’arrivée des réfugiés en France.

Merci à France 3 Midi-Pyrénées de sortir de sa réserve journalistique pour exprimer tout son dégoût vis-à-vis des messages de haine que suscite l’arrivée des réfugiés dans cette région (comme ici, cf. reportage de France 3 Limousin hier), et lancer un cri du coeur ô combien salutaire.

La désespérance des citoyens français, aussi légitime soit-elle, et si elle appelle bien entendu des réponses politiques et sociales urgentes, ne me semble aucunement pouvoir justifier les appels aux meurtre, honteux amalgames sur le terrorisme et autres vociférations complotistes. Migrer ne peut être une joie, surtout dans ces conditions, quand il s’agit de fuir une patrie aimée devenue terre de mort. Ces réfugiés sont des êtres humains, bon sang ! Rien ne saurait justifier ce déferlement d’animosité. Est-ce trop demander que de partager un peu de l’indulgence que nous accordons plus volontiers à nos concitoyens, à ces hommes et femmes qui n’ont pas eu la chance de naître en terre de paix ? Plus que jamais nous devons nous rappeler que notre dénominateur commun par excellence, par delà nos douleurs et nos frustrations, c’est notre humanité. Bien plus que par respect dune tradition d’accueil effective quoique par plusieurs fois reniée, la France doit prendre sa part dans cette opération humanitaire au nom d’une charité dont d’aucuns s’arrogent le monopole de façon souvent bien vulgaire. L’identité judéo-chrétienne de notre bon vieux pays, n’est-ce pas aussi porter l’amour et la tolérance ?
 
Puissions-nous tous trouver en cette année électorale qui s’annonce, l’intelligence collective et l’humanité (oui, toujours) de penser en tant que citoyens conscients de la fragilité de l’existence, et à même de penser nos actes en hommes et femmes de paix, intérieure et extérieure (suivez mon regard).



> Vers un label Capitale française de la culture ?

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L’ancien directeur du festival d’Avignon, Bernard Faivre d’Arcier, défend dans une tribune parue dans Télérama le principe d’une « Capitale française de la culture » tous les deux ou trois ans. Un concept qui paraît éculé et qui pourtant me semble prometteur, s’il peut concerner les villes de moins de 200 000 habitants, s’il encourage bien un mouvement de décentralisation culturelle et politique, s’il associe les universités et le monde de l’entreprise, et s’il permet une juste participation du grand public à un événement dans lequel il pourrait se retrouver et trouver fierté et reconnaissance. N’est-ce pas aussi un peu le rôle de la culture ?

Alors que le magazine prépare cette année ces « Etats généreux de la Culture », grand débat se voulant participatif devant énoncer des priorités en matière d’accès à la culture et de démocratisation de sa gouvernance, cette idée est a priori un peu tarte à la crème tant le concept des nouveaux labels semblait avoir été éprouvé. À titre d’exemple, je crains que l’inflation des métropoles labellisées French Tech ne soit qu’un gage donné aux « petites » métropoles qui ont peu face aux grandes qui ont déjà beaucoup.

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Les agglomérations susceptibles de candidater. (Carte : L.D., 2016).

Ici toutefois, le concept est différent, et c’est ce qui me convainc. L’idée d’une Capitale française tous les deux ou trois ans, dans une ville de 100 ou 200 000 habitants, me paraît garantir l’attention sur un écosystème particulier à chaque fois, limitant ainsi les effets pervers d’une féroce concurrence. Et ce concept me semble tout à fait pertinent dans une stratégie de rééquilibrage territorial à rebours des positions anti-rurales ambiantes, comme dans l’optique d’une réconciliation nationale autour d’un projet collectif et positif, générateur de retombées économiques comme d’émulation intellectuelle.

Au moins trois constats ou positions retiennent mon attention et me font adhérer à la démarche :

  • le fait que l’argumentation prenne acte de la sur-représentation parisienne dans les grands projets événementiels auxquels la France candidate (JO, Expo universelle) et dans les grands projets d’aménagement d’intérêt national (Grand Paris). Voilà enfin l’occasion de valider et prolonger le timide élan de décentralisation culturelle enclenché par le Louvre-Lens et le Centre Pompidou-Metz. Ici, on irait plus loin en inscrivant au cœur des petites et moyennes métropoles de province un événement fédérateur susceptible d’attirer attention et investissements pérennes. L’enjeu est majeur pour un système de décision culturelle qui, peut-être encore davantage que les systèmes politique ou économique, souffre d’un réel parisianisme. Alors, dans cet élan, peut-être pourrait-on penser qu’un nouveau mouvement de décentralisation, moins matériel et plus « philosophique », toucherait de façon salutaire les élites de notre pays. Nous pouvons l’espérer : l’un des critères du projet est d’associer un grand équipement culturel parisien à la candidature provinciale.
  • Organiser un événement susceptible de rassembler entreprises, universités et institutions publiques dans un territoire où, modeste taille oblige, les connexions ne sont pas forcément aussi efficaces que dans les plus grandes villes. Outre le fait qu’il rende justice aux collectivités volontaires dans le domaine de la culture en donnant une visibilité nationale voire européenne à leurs projets, il permettrait d’associer l’ensemble des « forces vives du territoire » à cette dynamique. N’est-ce pas le meilleur moyen de lutter contre les préjugés et de contrer les tristes perspectives qui s’annoncent pour nos universités ? N’est-ce pas un bel appel aux investissements ? Un territoire qui valorise la culture est un territoire accueillant !
  • Le fait que parmi les critères d’éligibilité, interviennent la « durabilité » ou la « participation citoyenne ». Des critères éminemment importants en ces temps troubles où les incertitudes se multiplient autant sur notre capacité à anticiper l’avenir que sur notre volonté de renouveler en profondeur notre démocratie bien fatiguée. C’est à ce titre que le concept de Capitale française de la culture diffère des Capitales européennes de la Culture : en ne soumettant pas la relation de proximité et les effets sur le long terme à l’idéal de rayonnement et à l’effervescence de la fête.

Il s’agira toutefois d’être prudent. En plus de ne pas tomber dans la surenchère financière, il conviendra également et impérativement de prévenir les autres potentielles dérives des grands événements culturels, qui d’ailleurs bien souvent ne sont pas étrangères aux dérapages budgétaires : entre-soi favorisant l’exclusion et le cloisonnement social, privilège des grands noms au détriment des créateurs locaux, usage d’un marketing débridé, infrastructures et investissements sans lendemains ni réutilisation possible, sur-domination de l’urbain dans les projets et territoires mobilisés (Marseille-Provence 2013 avait cependant réussi à intégrer l’ensemble des Bouches-du-Rhône dans son dispositif, notamment par le biais d’une grande randonnée périurbaine).

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Enfin, il me semble essentiel que les villes honorées par ce label ne soient pas déjà les grosses locomotives des flux culturels français. Je retiens avec intérêt le fait que les anciennes capitales européennes de la culture (Avignon, Lille, Aix-Marseille) soient retirées de la liste des impétrantes, au moins dans un premier temps. De la même manière, il me semblerait incongru et peu productif de propulser une ville comme Nantes, dont le tissu culturel très dynamique ne me paraît pas en attente d’une telle reconnaissance. Faisons donc de ce label un agent de mise en commun des énergies créatives, qui puisse humaniser un peu cette métropolisation dont on aimerait qu’elle soit un peu moins fracassante…

Capture d’écran 2016-07-20 à 14.54.18Limoges a toute sa place dans ce projet. Riche d’une histoire culturelle et artistique enviable de l’abbaye Saint-Martial aux Francophonies, bénéficiant en dépit des difficultés budgétaires d’un réseau d’acteurs culturels dynamiques (présence d’une école nationale supérieure d’art, centres culturels municipaux et théâtres privés, créateurs dans les domaines de l’émail ou de la porcelaine ou tous ceux mis en exergue par les PechaKucha, festivals de qualité), la ville et l’ensemble du territoire auraient beaucoup à gagner : émergence d’un projet positif et porteur pour une ville en mal d’image, effet d’entraînement sur l’aménagement urbain (l’art peut investir nos rues) et – on est en droit de l’espérer – les relations ferroviaires, relance du pôle d’enseignement supérieur, multiples occasions de projets d’éducation populaire et de projets pédagogiques pour les écoles… Nos élus sauront-ils faire preuve de la perspicacité nécessaire pour engager Limoges dans ce processus ? Toutefois n’attendons pas tout d’eux : c’est aussi à nous, citoyens, de faire nôtre ce projet, de le faire connaître et de le rendre convaincant !

Il va sans dire que certains grands édiles en quête de reconnaissance politique et avides de compétition métropolitaine auront à cœur de se saisir de cette idée et de rivaliser d’annonces à peine électoralistes. Il sera donc nécessaire que, dans l’esprit de ces Etats généreux de la Culture, la société civile des « créatifs », et au-delà l’ensemble de la société civile, se saisissent de ce projet pour en faire une perspective résolument co-construite. Déjà formulée il y a quelques années et depuis (et récemment) activement étudiée et débattue par les chercheurs, experts de l’urbain et élus de grandes villes susceptibles de pouvoir candidater, cette proposition pourrait être étudiée par le gouvernement cet été. Quoi qu’il arrive, elle doit être inscrite à l’agenda de la prochaine campagne présidentielle.

Loin de la position tristement caricaturale distillée par le Chef de l’Etat et son Premier ministre à l’ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin en 2014, il s’agirait ici non sans artifices de consacrer les acteurs culturels dans le rôle politique que l’on devrait toujours leur reconnaître : celui d’oeuvrer au service du bien vivre-ensemble des populations dans leurs territoires, même en Province !

Photos : Visuel du sentier de grande randonnée périurbaine GR2013, mis en place par des artistes dans le cadre de Marseille-Provence 2013 (c) Lola Duval. - Urbaka à Limoges, 27 juin 2015 (L.D.).




> Charlie.

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Je ne pige pas grand chose à l’économie. Mais je me souviens bien entendre, sur Inter, la voix amicale de Bernard Maris qui parlait du réel, du concret, du commun, de ce qu’on avait partagé et de ce qu’on devait partager. Une voix qui pesait dans un milieu sans pitié, sans pédagogie surtout. Ça manquera.

Je ne lisais pas Charlie Hebdo. Mais je me souviens bien des caricatures qui nous faisaient tellement rire quand nous préparions notre TPE, au lycée, sur la caricature des présidents, et de toutes ces unes aussi sordides que drôles. La tignasse de Cabu. Tignous sans tabou. Les nez poivrés de Charb. La ligne claire et grasse de Wolinski. Honoré, la lumière sur l’ombre. On m’a parlé de l’humanité, de la gentillesse, du culot, de l’antimilitarisme des dessinateurs. Les amis de mes parents m’ont dit qu’ils étaient de leur génération, oubliant qu’ils avaient parfois vingt ans d’écart.

Et aussi, avant, le salon de Saint-Just en septembre, sur les planches de bois du chapiteau blanc, les dédicaces, Cartooning for Peace. Les caricatures, l’incendie. Ces dessins historiques que nous connaissons même étant nés bien après. Et puis cette impérieuse nécessité de pouvoir rire de tout, l’évidence d’une distinction entre religion et fanatisme, croyants et intégristes. Tous ces stylos en l’air, ces « Je suis Charlie » dans les rédactions, mais aussi chez les anonymes, dans la rue. Jusque dans les boutiques. Par chaînes de SMS qui avaient disparu depuis que les mots-dièse avaient tout emporté. Et sur les profils Facebook de ceux que je ne croyais pas politisés, qui n’auraient pas dû être touchés et qui l’ont été. Preuve que nous sommes tous agressés par cet acte complètement fou, qu’on ne peut pas appréhender, qu’on n’a pas assimilé. Le sentiment d’être Un, la France déboussolée mais libre et révoltée, une humanité qui persiste et se révolte à l’ère de l’individualisme, qui se dit qu’elle a peut-être à relever le défi du vivre-ensemble, de la tolérance, de la liberté… ?

La place de la République était belle. On se connaissait tous, de fait. On n’osait dire qu’on allait, même si on allait bien. On riait quand même. Mais surtout on s’interrogeait sur l’après. Sur ce qu’allaient pouvoir faire nos gouvernants. Sur ce qu’il convenait de penser. Sur ce qui pourrait empêcher d’autres folies.
Beaucoup de travail, chaque jour, partout. L’espoir, comme la peur. Mais ensemble, du moins je crois. Il faut.




> Fusillade de Charlie-Hebdo – Rassemblement, ce soir 19h place de la République

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Quand la presse est attaquée, c’est tout ce qui nous est cher, toutes nos valeurs, l’humanité même, qui l’est. Rassemblement ce soir 19h, place de la République, comme il se doit, pour répondre pacifiquement à l’horreur, contre la barbarie, le fanatisme, pour la liberté…

Pour les victimes de la fusillade au siège de Charlie Hebdo

Pour la démocratie, la paix, la liberté,

Rassemblement ce soir

19h

Place de la République

à Limoges

Le Club de la presse du Limousin appelle à un autre rassemblement

demain matin, 10h30, parc V. Thuillat (vêtus de noir).

N.B. : la Préfecture est informée du rassemblement de ce soir.




> Les premiers noms de rue de la mandature Lombertie

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Capture d’écran 2014-11-28 à 13.51.45Nommer les lieux n’est pas un acte anodin. Certes, cela répond à des impératifs pratiques (l’adressage, le foncier), mais c’est en réalité un acte territorial et politique fondateur (voir ici et ). Parce que les noms matérialisent et institutionnalisent les lieux, d’abord, en validant ou se substituant à l’informel. Ensuite, parce qu’ils reflètent des intentions et des valeurs politiques, voire idéologiques : à Limoges, la foule de résistants, élus socialistes ou céramistes et porcelainiers présents dans les toponymes sont l’expression d’une tradition municipale sur le temps long et de la volonté de vénérer une certaine Histoire par la constitution d’un véritable Panthéon local. Même dans le cas de dénominations a priori inoffensives, quand ils relèvent du repérage pur et dur (une église, un équipement, un cours d’eau), ou qu’ils mettent à l’honneur le bucolique, les noms ne sont jamais neutres, soit parce qu’ils valorisent un projet porté par des élus, soit parce que la mise en lumière d’un objet géographique peut parfois être motivée par des intentions patrimoniales, donc forcément politiques.

Au-delà, les noms sont aussi un médiateur de pratiques sociales, car ils déterminent, sinon orientent des représentations du territoire et des pratiques dans l’espace. D’une part parce que le nom en tant que tel peut être artisan de la création d’un lieu. N’ai-je pas déjà entendu le terminus de la ligne 8 du bus de Limoges appelé phonétiquement « Maljoffre » alors qu’il s’agit bien d’une référence au Maréchal Joffre ? Un nom obscur peut également être mis en lumière à partir du moment où il devient un boulevard ou un carrefour (qui peut réciter la biographie de Nicolas d’Aine, de Denis Dussoubs, expliquer ce que sont les Casseaux, d’où vient le Champ de Juillet ?). D’autre part, le nom est social, et donc culturel, parce que porteur de références, d’idées et idéologies qui peuvent orienter les représentations. Nombreuses sont les villes qui dans la réalisation des lignes de transports collectifs, ont préféré attribuer aux stations des noms poétiques plutôt que de leur donner le nom des quartiers chauds qu’elles rechignaient à honorer afin de contrôler certains déplacements. Les noms inscrivent dans l’aluminium des abribus et la céramique des plaques de rue une certaine vision de la ville.

Ces décisions sont donc éminemment politiques ; voilà pourquoi il est intéressant, éclairant de les étudier et de revendiquer un droit de regard, voire de jugement. Dans cet article du Populaire, l’an dernier, on découvrait comment les odonymes (les noms de rues, donc), étaient décidés à Limoges. Comme dans les autres communes, le maire conserve cet apanage, acte presque régalien qu’il entend faire valider par un conseil municipal en général bien avisé de le suivre. Ainsi, les choix de toponymes effectués sous la mandature d’Alain Rodet, reflètent à la fois une tradition bien limougeaude – les noms de porcelainiers, de résistants – mais aussi les goûts de l’ancien maire pour le jazz, de notoriété publique.

La nouvelle majorité municipale a déjà mis en œuvre son entreprise de territorialisation politique par la dénomination de nouvelles voies. La lecture attentive des derniers compte-rendus des conseils municipaux est en cela révélatrice. On apprend ainsi que le nouveau conseil a d’ores et déjà proposé des noms aux nouvelles voies issues de l’urbanisation continue de la périphérie limougeaude : « la Grande-Pièce » vient bien logiquement donner un nom à la Voie de liaison nord. Deux émailleurs – Alain Grafeuil et Roger Duban – se voient honorés par deux nouvelles voies dans le secteur de la Bastide. C’est déjà en soi un acte politique, par l’hommage rendu à une profession emblématique de la ville qui fera de nouveau l’objet d’une Biennale re-créée par Philippe Pauliat-Defaye. Le nom de la résistante Germaine Tillion, récemment décédée, est également attribué à une allée toute neuve à Grossereix. Peut-être moins consensuel, le professeur Bernard Descottes, figure émérite du CHU disparue il y a peu, très proche de l’UMP et de l’association Haute-Vienne Alternance dont Emile-Roger Lombertie est un porteur, est également honoré par une voie traversant l’enceinte de l’hôpital.

Capture d’écran 2014-11-28 à 13.54.06Fait original : certains lieux déjà nommés changent de nom, dans un élan de féminisation que d’aucuns pourront apprécier. C’est le cas de l’école du Grand-Treuil, qui porte dorénavant le nom de l’institutrice Odette Couty, martyre d’Oradour. C’est aussi le cas de la rampe Haute-Vienne, qui prend le nom de Jeanne Villepreux-Power, naturaliste du XIXe siècle installée en Limousin, au nom du doublon avec la rue et la place du même nom, et sans doute de l’envie de valoriser une personnalité pionnière et évocatrice de la grandeur du Limousin au-delà de ses encore-frontières. Citons encore la place des Justes parmi les nations, juste devant le musée de la Résistance. Il est intéressant de noter que le nom de la nageuse Claude Mandonnaud, active dans les années 1970 et sélectionnée aux Jeux olympiques, consacre à la fois une rue de Limoges, remportée par la droite, et une salle du futur centre aquatique, porté par la majorité de gauche à l’agglomération, preuve que certaines personnalités, quand elles incarnent une grandeur (passée) de notre territoire, peuvent susciter l’admiration collective. C’est également là que l’on comprend que les débats autour des noms peuvent parfois cristalliser les conflits de mémoire et les appropriations symboliques de personnalités aux qualités posthumes tantôt fédératrices, tantôt partisanes (les villes communistes où celles gagnées par des maires FN dans les années 1990 en sont des exemples). Peut-être peut-on aussi y voir un exemple opératoire du nom comme outil de récupération d’un édifice public d’ampleur, qui pour l’opposition comme la majorité, incarne un potentiel de développement, de validation stratégique (et de reconquête).

Enfin, les stratégies employées pour décider des noms – associer le public ? ou préférer une décision sur un coin de table ? – sont également bien souvent révélatrices d’une certaine idée de la démocratie participative. S’il n’est pas forcément toujours nécessaire de discuter le nom des personnalités ainsi mises en valeur dans l’espace public, je pense qu’il faut considérer l’acte de nommer un lieu comme une responsabilité collective, par la force que le toponyme exerce sur les représentations collectives et le sentiment d’appartenance, notamment. Pourquoi ne pas faire de l’acte de nommer les lieux un laboratoire d’expérimentation de nouvelles pratiques de participation populaire, qui ne soit plus réduite à sa fonction uniquement légitimante de l’action politique institutionnelle ? Pourquoi ne pas intégrer ces discussions à l’agenda des futurs conseils de quartier ?

Lors du dernier conseil municipal, a été évoquée la perspective de nouvelles re-nominations, à suivre de près. La preuve que l’équipe Lombertie a pleinement revêtu les habits – à ce sujet du moins – de l’acteur territorial.

-> Voir aussi : l’historique des dénominations de voies depuis 2006.

Photo : (c) L.D., 2012. / Capture d’écran retransmission CM 19/11, mairie de Limoges.




Réforme territoriale : quels enjeux culturels pour le Limousin ?

18102014

Réforme territoriale : quels enjeux culturels pour le Limousin ? dans Actualité locale blim

Ces dernières semaines, sur fond de débat sur les enjeux posés par le rattachement du Limousin à l’Aquitaine et Poitou-Charentes, l’antenne locale de France 3 a choisi d’interroger plusieurs personnalités limousines sur leur ressenti quant à l’existence et la réalité concrète mais sensible d’une identité limousine. Cette série d’entretiens, qui donne la parole à un écrivain, un ancien président de région, une ethnologue ou encore un paysagiste, met en perspectives plusieurs aspects de la dimension culturelle de l’identité, et donne un nouvel éclairage sur le bien-fondé et les conséquences sociales de la réforme territoriale.

Ce sujet de l’identité, abordé par Maurice Robert dans son dernier ouvrage dans lequel il conceptualise une « limousinité », une qualité limousine, et plus tôt par un ouvrage collectif de Jean Tricard, Philippe Grandcoing et Robert Chanaud (Le Limousin, pays et identités), était déjà l’objet de l’étonnant livre rédigé en 1999 par Yannick Beaubatie. Dans Comment fait-on pour être limousin, dont le nom a été repris par France 3, cet auteur corrézien relevait, mi-amusé mi-indigné, un florilège d’allusions au Limousin et à ses habitants dans la presse, la littérature ou la politique, constitutifs de stéréotypes parfois (hélas) bien ancrés depuis le Pourceaugnac de Molière jusqu’aux raccourcis des rédactions parisiennes. J’avais également brièvement et peut-être maladroitement évoqué la relation entre Limousin humain et Limousin naturel en 2010.

J’ai visionné l’ensemble des propos des enquêtés et essayé de déterminer leur articulation aux perspectives posées par la réforme, qu’il s’agisse de considérations patrimoniales, politiques, écologiques ou plus personnelles.

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  • Robert Savy, ancien président du Conseil régional.
    Celui qui a présidé aux destinées de la Région pendant 18 ans, a déjà fait part de son vif scepticisme à l’égard de ladite réforme, déjà préfiguré dans son ouvrage fleuve sur son parcours politique, Emergence d’une région. Il réitère ses critiques, sur la crainte d’un éloignement préjudiciable entre services, élus et population. Son propos éminemment militant aborde la dimension culturelle et identitaire en filigrane : il estime que cet héritage vivant est un des vecteurs de l’adéquation territoriale entre Limousin culturel et Limousin politique. Mais surtout, que la réforme aura certainement des effets négatifs, non pas sur la cohésion culturelle, mais ainsi, sans doute, sur le quotidien vécu, qui lui-même façonne les traditions de demain.

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  • Jean-Guy Soumy, écrivain.
    Le pilier de la Nouvelle Ecole de Brive rappelle la fréquentation de notre région de « marge » par de nombreux écrivains, venus puiser dans les mêmes paysages, dans la même quiétude. Il serait plutôt intéressant de déterminer si la Région en tant qu’entité politique a pu favoriser la venue de ces artistes. Si c’est peut-être en partie le cas pour les tournages cinématographiques grâce à l’efficace Agence Cinéma, et pourquoi pas pour le maintien d’une quiétude et d’un environnement préservé et valorisé par les politiques régionales, rassurons Jean-Guy Soumy et tous les amateurs de la littérature teintée d’inspirations limousines – mais peut-être pas tout le monde –, le Limousin devrait bien rester une marge de la future région… Quoi qu’il en soit, ce patrimoine sensible ne devrait pas succomber à cet impérieux rattachement.

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  • Alain Freytet, paysagiste.
    Se référant au bel Atlas régional des paysages produit par la DREAL et l’Université de Limoges en 2005, A. Freytet assigne une identité paysagère du Limousin à la centralité du résineux et tourbeux plateau de Millevaches, château d’eau d’un vert territoire qui irrigue autant le semi-bocage de la campagne-parc que les plateaux forestiers. Réaffirmant de façon bienvenue la dimension construite du paysage, Alain Freytet parle non sans lyrisme de la communion entre paysage et communautés. Cette idée a le mérite de soulever la problématique bien actuelle de notre rapport à la naturalité et de l’équilibre à trouver entre les différents usages faits des espaces dits naturels dans une société urbaine. La réforme, en ce qu’elle semble consacrer l’hégémonie des grands pôles métropolitains, est porteuse de risques en la matière.

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  • Philippe Grandcoing, historien.
    Le professeur, auteur de nombreux ouvrages sur l’Histoire du Limousin, rappelle avec justesse le destin historique commun de l’ancienne Aquitaine et du Limousin, et le décentrage progressif des Limousins successifs vers l’est ou l’ouest au gré des siècles et des tutelles, nuançant ainsi l’idée d’un Limousin éternel et intemporel. Néanmoins, le Limousin reste un concept culturel relativement ancré, notamment par la succession d’événements historiques fondateurs par leur force et leur ampleur, et par la lecture contemporaine qui continue d’en être faite – l’exemple d’Oradour est parlant. Si l’Histoire ne doit pas être le gouvernail des temps présents, elle l’influence nécessairement, mais si le futur doit effacer ce rapport particulier au passé, ce ne sera sans doute pas différemment qu’en Aquitaine ou ailleurs.

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  • Pierre Maclouf, sociologue.
    Mon opinion est proche de la sienne. A très juste titre, d’emblée il souligne l’ambiguïté et la variabilité du concept d’ « identité », et semble ainsi faire écho aux abus de langage et à la référence un peu facile et bancale faite à la culture dans l’application de la réforme. Il reprend ensuite l’ensemble des éléments qui selon moi aussi sont les maillons de cet « esprit limousin » : le rapport à la ruralité, jamais distancié même quand on est urbain ; le poids de l’Histoire dans les discours et les références d’action ; l’enclavement parfois cultivé par un sentiment paradoxal d’affection/désamour si commun et source de plaisanteries, mais parfois tellement contre-productif parfois. Si cette réforme peut atténuer un peu cet auto-dénigrement patrimonial pour favoriser un élan salutaire de création, ce sera une bonne chose. Le peut-elle ? Le veut-elle ? Et… le voulons-nous ? L’évocation du rôle rassurant des territoires de proximité dans une mondialisation qui contribuerait à flouer les repères est intéressante ; elle renvoie à la triste tentation du repli identitaire, que les futures grandes régions devront prévenir en assurant une bonne répartition des services de proximité et une réelle incarnation des institutions politiques.

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  • Marie-France Houdart, ethnologue.
    Elle tient un discours qui recoupe les propos de l’historien et du sociologue. Elle insiste sur les solidarités, la pauvreté ou le rapport à la religion forgés par des faits sociaux partagés et la même dureté d’un territoire hostile. S’il convient de ne pas céder à la facilité du déterminisme – il n’existe pas d’ethnie limousine, quoi qu’en dise certains parisianistes –, ces idées étayent un parcours similaire des Limousins à travers certaines réalités de l’Histoire (la chrétienté, la guerre, l’exode rural et le voyage), qui ne sont pas pour rien dans certains parcours politiques (M.-F. Houdart a écrit sur la terre de présidents qu’est la Corrèze). Pas de déterminisme, mais pas de fatalité non plus : le futur est à construire, pourquoi pas en accueillant d’autres influences, car il en va de la pérennité non pas de l’espèce limousine, mais de la possibilité de continuer à y vivre.

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  • Chrisitian Moulinard, politologue.
    Figure des plateaux télévisés, le politologue le plus célèbre du Limousin rappelle de façon claire les liens entre culture et traditions politiques, rappelant le fort ancrage à gauche de la région. Son propos soulève la question de la représentativité future des citoyens limousins dans les instances coïncidant avec les nouvelles entités administratives. Combien d’élus limousins à Bordeaux ? Quelle représentation de cette culture politique régionale ? Et au-delà, quelle représentation des intérêts et attentes des limousins ? Un véritable enjeu démocratique.

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  • Laurent Mandon, promoteur de la marque CRIL.
    Si ces objets griffés doivent sans doute leur succès à ce sentiment d’appartenance au même destin d’oubliés du centre de la France et à quelques clins d’œil partagés dans l’imaginaire collectif (l’isolement, l’occitan, l’élevage, le rapport entre anciennes et nouvelles générations), ils sont aussi l’incarnation d’une re-création identitaire, très positivement symptomatique d’une aspiration à créer de la fierté et de l’appartenance par de la nouveauté. Une perspective encourageante pour le futur Limousin, et d’autant plus s’il est noyé, lui et les intérêts de ses territoires, dans une grande région un peu déshumanisée. En revanche, la crainte de « perte d’identité », comme évoqué dans le propos de Pierre Maclouf, doit être rassurée et prévenue.

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  • Jean-François Vignaud, occitaniste.
    Très vive en dépit de sa faible locution, la langue occitane entretient un rapport singulier avec le Limousin. Notamment parce que le terme de « limousin », preuve du rayonnement culturel du Limoges médiéval, a longtemps servi de définition pour parler de l’occitan au sens large, avant d’être supplanté par le provençal. L’aire de l’occitan limousin et le Limousin actuel ne coïncident cependant pas et dépassent nettement sur l’Aquitaine et Poitou-Charentes : à Confolens ou Périgueux, on parlait limousin, alors que ce n’est pas le cas à Gouzon, Bort-les-Orgues (auvergnat) ou Beaulieu-sur-Dordogne (languedocien). La grande région pourra-t-elle proposer des mesures visant à favoriser la visibilité de ce patrimoine commun ? Rappelons au passage que la culture limousine est largement produit de la créativité des élites occitanophones de l’Ancien régime. Ne pas le négliger à l’avenir serait un juste hommage.

Si j’avais moi-même estimé que la réforme telle que présentée ne garantissait que fort mal les perspectives de développement et de juste considération à l’égard du Limousin – comme Robert Savy l’avance à juste titre, j’avais aussi avancé que la dimension culturelle ne devait pas être un facteur absolument déterminant dans la constitution de nouveaux territoires, car les affinités, projets et échanges culturels – et donc les représentations et les attachements – vivent au-delà des limites administratives dans ce qu’on appelle les espaces vécus (ce que souligne Pierre Maclouf). Ainsi, le Limousin havre littéraire tel que décrit par Jean-Guy Soumy ne me semble pas remis en cause par la disparition administrative de l’entité régionale. Pas plus que l’attachement aux traditions politiques et sociales évoquées par Ph. Grandcoing – ou si cela advient, ce sera pour d’autres raisons !

Soyons néanmoins vigilants : si la « limousinité » ne semble pas directement dépendre du bon-vouloir de nos voisins aquitains, il conviendra d’assurer la conduite de politiques équitables, respectueuses des équilibres hérités et des mesures bénéfiques issues des élus limousins, des patrimoines et des pratiques locales, soucieuses d’œuvrer de façon adaptée et sans impérialisme sur l’ensemble des territoires, qui à Boussac, à Ussel ou à Rochechouart, autant qu’à Bordeaux, auront à cœur d’attendre une juste considération et un effectif élan de développement durable… et « aimable » !







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