> Revue littéraire : La nostalgie des buffets de gare, de Benoît Duteurtre
11 07 2015Je vous recommande vivement la lecture du dernier ouvrage de Benoît Duteurtre, La nostalgie des buffets de gare, paru aux éditions Payot.
Déjà connu pour une vingtaine de romans distillant bien souvent un propos assez acide à l’encontre de certains des atours de la modernité idéologique, l’auteur propose par cette balade sur notre réseau national, au gré de déplacements personnels, une lecture très critique de l’état actuel de l’offre ferroviaire hexagonale, de l’explication des retards cumulés à l’évocation du creusement des inégalités d’accès au train selon les moyens.
Qu’on se le dise – et l’écrivain s’en défend – il ne s’agit pas ici de l’ouvrage d’un expert diplômé de la question qui entendrait ajouter une contribution au débat politique actuel sur la desserte en train : pas de chiffres, pas même de solutions concrètes. Benoît Duteurtre est avant tout un écrivain, et c’est ouvertement par nostalgie, par goût du rêve et regret de l’imprévu, qu’il se permet d’évoquer le charme perdu des wagons-lits, le bois patiné des anciens buffets, le fourmillement révolu des lignes secondaires. En vérité, le recours à la littérature permet très bien de dénoncer le déclin de ce service public essentiel qu’est (était?) le train, et que semblent sacrifier la libre concurrence et la rentabilité érigée en dogme déjà biaisé par un raisonnement emprunté au secteur privé. Dans l’ouvrage, on retrouve d’ailleurs les principaux arguments formulés par les détracteurs du « tout-LGV », voire par certains mouvements décroissants, même si l’idéal de la grande vitesse ne revêt pas que des défauts aux yeux de l’écrivain bien contemporain.
Parole déconnectée et démagogique, voire réactionnaire ? Pas vraiment ! Car on le répète, Benoît Duteurtre écrit le sensible, rappelle l’humanité, donc se glisse en chacun de nous, indépendamment de nos moyens financiers et de nos origines sociales et géographiques, pour nous interpeler sur une situation que certains d’entre-nous ont choisi d’accompagner et de consacrer, et dont nous sommes tous les acteurs. À ce titre, la nostalgie de Benoît Duteurtre, en dépit de certaines évocations de l’actualité peut-être contre-productives, nous paraît pouvoir éveiller la conscience et l’esprit critique qui sommeillent – plus ou moins – en chacun de nous.
> Benoît Duteurtre, La nostalgie des buffets de gare, Payot, 112 pages (14 €).
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