> Florent Mignot : « Prendre les choses en main et ne pas nous résigner. »
12042012Premier jeune responsable politique à répondre à mes questions, Florent Mignot, jeune écologiste, évoque son engagement politique et sa perception de la campagne présidentielle. Pour lui, engagement collectif et associatif servent sa volonté de porter l’écologie au cœur des considérations actuelles, comme vecteur d’espoir pour le plus grand nombre. « Confronter les diverses solutions et propositions permettant de résoudre les problèmes » est sa motivation.
Nom : Florent Mignot Parcours : Diplôme d’Études Universitaires Scientifiques et Techniques (DEUST), Maîtrise de Sciences et Techniques en Technologies de l’Information et de la Communication (MST TIC) Emploi : Webmaster Engagement : Jeunes écologistes |
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous engager dans un mouvement de jeunesse politique, et a fortiori, chez les Jeunes écologistes ?
J’ai approché courant 2006 les Jeunes verts (devenus depuis les Jeunes écologistes), à l’approche des élections présidentielles. Ce fut un premier pas vers la politique sachant que je n’allais adhérer aux Verts – dont j’étais depuis longtemps sympathisant – que 2 ans plus tard.
Qu’est-ce qui vous plaît dans l’engagement politique ?
L’engagement politique permet de faire avancer collectivement et concrètement ses idéaux. J’aime confronter les diverses solutions et propositions permettant de résoudre les problèmes.
Avez-vous envisagé de poursuivre et amplifier cet engagement avec le temps (adhésion à EELV si ce n’est pas déjà fait, engagement électoral, etc.) ?
Après avoir relancé les Jeunes Verts en 2007-2008, j’ai participé aux campagnes municipales (candidat des Verts sur la liste sur Limoges) et cantonales de 2008 (sur le canton de Limoges-Landouge). J’ai ensuite adhéré et pris de plus en plus de responsabilités, bénévolement, au sein des Verts. Depuis peu, je suis directeur de campagne pour les législatives en Limousin.
Comment votre engagement est perçu par votre entourage (famille, amis, proches) ?
Cet engagement est plutôt bien perçu même si certains peuvent craindre que je consacre parfois beaucoup trop de temps à la politique.
Ci-contre : Des câlins gratuits pour les passants limougeauds. Une démarche originale pour faire connaître le mouvement… et son goût pour la non-violence ? © Jeunes écologistes Limoges.
La campagne présidentielle est globalement jugé tendue, voire agressive, ceci au détriment de l’expression des programmes. De manière générale, comment percevez-vous cette campagne électorale, tant sur la forme (atmosphère, échanges entre les candidats, …) que sur le fond (positionnements, propositions, …) ?
Cette campagne a été particulièrement agressive, et notamment à l’encontre d’Eva Joly. Celle ci a d’ailleurs été la cible de beaucoup d’attaques dès janvier 2011, quand Nicolas Hulot a été pressenti pour être son concurrent pendant la Primaire de l’Écologie. Comme si certains avaient déjà choisis leur champion et qu’Eva Joly n’avait pas le droit de participer à la vie politique.
Ailleurs sur l’échiquier politique, on passe bien plus de temps à s’attaquer qu’à parler du fond. Les politiciens ont une tendance à enrober leurs propos avec de grandes et petites phrases plutôt qu’à faire des propositions concrètes.
Vous êtes engagé avec les Jeunes écologistes. Pouvez-vous sans détailler nous présenter rapidement le mouvement (emprise nationale, relation avec EELV, effectifs militants à l’échelle nationale et à l’échelle locale, …) ?
Les Jeunes écologistes (anciennement les Jeunes verts) sont une association autonome de Europe Ecologie-Les Verts mais défendant les mêmes valeurs. C’est une fédération de plusieurs centaines d’adhérents dont les groupes locaux se sont multipliés ces 3 dernières années. En Limousin, une grande majorité des militants habite à Limoges et les rangs se sont beaucoup étoffés, surtout depuis 2 ans, au point que nous sommes devenus un des groupes locaux les plus actifs en France, notamment grâce aux nouveaux venus…
De quelle manière votre mouvement et vous-même personnellement participez à la campagne présidentielle, en France et dans la région ? On connaît la forte dimension associative dans la structure militante d’EELV. Est elle importante dans cette campagne ?
Je fais personnellement partie du réseau des écologeeks qui a vu le jour en 2008 pour les européennes. Ce réseau s’occupe tout particulièrement de la campagne internet des écologistes mais aussi fait avancer les questions numériques au sein du mouvement.
« Pour la droite, […] toute personne qui ne réussit pas est responsable de ses éventuelles faiblesses. »
Quel regard portez-vous sur la politique du gouvernement Fillon à l’égard de la jeunesse, depuis 2007 (forces, faiblesses, erreurs, réussites, promesses, jugement) ?
La politique à l’égard de la jeunesse est la même, en pire, que celle à l’égard de l’ensemble des français.
A ce titre, pouvez-vous donner un exemple de ce qui vous semble le plus injuste ou le moins adéquat ?
Ce qui m’a toujours choqué de la part de la droite est de considérer les jeunes comme des flemmards ou pire parfois, des délinquants. Pour la droite la réussite se mérite et toute personne qui ne réussit pas est responsable de ses éventuelles faiblesses.
A partir du constat de la réponse à la question précédente, quelles réponses défendez-vous et proposez-vous aux difficultés et enjeux posés par les jeunes de 2012, pour le mandat qui va s’ouvrir pour le président élu en mai prochain ?
Notre projet est global et ne s’adresse ni plus aux jeunes ni plus aux personnes âgées. Les problèmes qui sont généralement ceux des jeunes se posent aussi aux autres classes d’âges : formation, emploi, logement, santé (…)
Eva Joly s’est taillée une réputation de compétence dans plusieurs sujets, mais on a parfois le sentiment qu’elle peine à convaincre le grand public dans les domaines propres à l’écologie politique, qui est pourtant. Le choix de cette candidate, s’il est clair et totalement légitime, n’est-il pas un pari un peu trop ambitieux ?
Je ne pense pas que la « non émergence » supposée de l’écologie dans cette campagne soit liée à la personnalité de Eva Joly. Cela est plutôt liée au ton de la campagne qui ne permet pas d’aborder sérieusement aux problématiques. Il y a alors un « bruit » qui pollue tout ce que l’on pourrait proposer… Ceci dit, sans nous, je ne pense pas que nous aurions autant parler du nucléaire (et de politique énergétique) en octobre-novembre dernier…
« L’enseignement supérieur ne remplit par son rôle égalitaire. »
Dans les propositions d’Eva Joly concernant l’éducation, on remarque l’objectif d’un service public de l’enseignement supérieur gratuit. En quoi ce sujet peut être réellement au cœur du problème actuel de l’université française ?
L’enseignement et notamment l’enseignement supérieur ne remplit pas son rôle égalitaire et a une tendance à la sélection. Une sélection qui commence bien avant l’enseignement supérieur et qui ne permet pas d’orienter correctement les élèves…
Selon vous, à quel moment le bât blesse le plus, dans le parcours scolaire ?
J’ai toujours été choqué par cette sélection qui est faites dès le collège entre un parcours que l’on veut rapidement « professionnalisant » (orienté vers les CAP) et un parcours plus général (orienté vers le Bac).
Trop souvent les premiers sont orientés comme si ils étaient « incapables » d’avoir le Bac ce qui peut être dévalorisant. Ils seront les premiers à travailler, et pourtant ce parcours scolaire se retrouve avec bien peu de moyens (profs, établissements…) Et bien trop souvent on abandonne peu à peu les matières « générales » qui peuvent pourtant intéresser ces élèves pour obtenir un certain niveau de « culture générale ».
Les seconds sont orientés vers le Bac sans aucun début de formation professionnelle (très souvent même après le Bac, il y a très peu de stages…) Ils seront plus favorisés – plus de moyens financiers – alors que leur seule « qualité » à un instant x aura été d’avoir été « meilleurs » dans la « théorie » (maths, français, …) mais pas forcément dans la « pratique ».
Les premiers auront un CAP très jeune, et auront un travail très tôt mais auront été trop souvent « dévalorisés » , les seconds auront un Bac + Y mais auront au final parfois beaucoup de difficultés à avoir un emploi car sans aucune expérience professionnelle, et devront aller multiplier les « petits boulots ».
Les premiers et les seconds auront été « sélectionnés » et « séparés » très tôt alors que tous avaient des qualités qu’il aurait fallu faire fructifier plutôt que de vouloir « séparer » très tôt les « manuels » des « cadres » créant alors très tôt un clivage entre jeunes…
Le projet d’Europe Écologie Les Verts est ambitieux en matière de rénovation des campus universitaires, et s’inscrit dans une transition écologique de la construction et d’une exemplarité des infrastructures publiques en matière d’éco-responsabilité. Les installations de l’Université de Limoges sont dispersées dans la ville et vieillissantes. Quel écho ces propositions pourraient-elles rencontrer en ce qui concerne cette situation ?
Il y a beaucoup à faire en terme d’exemplarité des infrastructures publiques. L’écologie permet à la fois de créer des emplois (ici dans le bâtiment…) et d’améliorer la qualité de vie. Dans les campus, nous avons souvent des problèmes en terme de chauffage avec des bâtiments trop froids en hiver et trop chauds quand il commence à faire chaud.
Et concernant Limoges, de quelle manière la structuration des campus vous paraît-elle inadéquate ?
Un autre problème majeur est le problème des transports afin de se déplacer dans Limoges. Les horaires ne sont pas toujours très adaptés et ne parlons même pas de la place du vélo alors que beaucoup de jeunes souhaiteraient des aménagements…
A l’heure d’une terrible crise économique et financière, ne pensez-vous pas que les scores très modestes d’Eva Joly, en terme d’intentions de vote dans les sondages, sont au moins en partie à mettre sur le compte du manque d’intérêt des gens pour l’écologie, qui serait écartée au profit de préoccupations plus « directes », matérielles, parfois plus concrètes aussi (pouvoir d’achat, emploi, etc) ? Par ailleurs, pensez-vous que cela puisse également être dû à l’intégration mentale progressive par les électeurs des problématiques environnementales, qui faute d’être encore au cœur des politiques, sont davantage dans les consciences qu’il y a quelques années ?
Pour nous l’écologie n’est pas un problème mais la solution aux problèmes. De plus la crise, les crises, que nous visons ne date pas d’hier… Ceux qui ont moins de 30 ans n’ont connu qu’une succession de crises. La crise de 2008 n’a pas empêché Europe Écologie de parler d’écologie et d’Europe, et de faire les scores de 2009.
Une grande partie des intentions de vote donnée à Eva Joly est plutôt liée au poids du vote utile (nous y perdons pour ainsi dire la moitié de nos votants potentiels) mais aussi à des accords PS-EELV qui ont été incompris par beaucoup (nous y perdons là aussi quelques points malheureusement alors que nous souhaitions préparer l’avenir et donc la future majorité à l’Assemblée nationale…)
Ci-contre : Le logo occitan des Jeunes écologistes limougeauds. Ces derniers prennent à bras le corps la question de la place de l’identité culturelle régionale. © Jeunes écologistes Limoges
Donc selon vous, le problème n’est pas que les gens ont déjà bien intégré (et donc assimilé) les problématiques écologiques, mais plutôt qu’ils ne les voient pas comme centre du problème…
La problématique écologique est bien intégrée, mais à présent il faut arriver à faire comprendre que les solutions écologistes permettent de régler les problèmes économiques, sociaux et démocratiques.
« Le débat politique n’est pas assez concret. »
On tend à pointer du doigt un éventuel désintérêt de la jeunesse pour le débat public, parce qu’il est trop technique, trop éloigné de leurs préoccupations, trop contraint aux rivalités personnelles. Qu’en pensez-vous ? Comment y remédier ? Et comment voyez-vous personnellement l’engagement politique des jeunes à vos côtés et plus globalement en France ?
Plus que trop technique, je dirais trop théorique… trop « politicien ». Le débat politique n’est pas assez concret et donc ne propose pas assez de propositions qui permettraient de changer les choses… Beaucoup d’élus ne font plus de politique mais de la « gestion ».
Pour y remédier il y a beaucoup à faire… notamment revoir nos institutions pour permettre une meilleure représentation de tous (fin des cumuls, parité, vote proportionnel, reconnaissance du vote blanc, …)
D’une manière générale beaucoup de jeunes font de la politique sans s’en rendre compte, avec les associations par exemple, mais beaucoup préfèrent surtout le concret au blabla théorique.
La gauche et plus précisément les socialistes occupent une position très majoritaire en Limousin. Quel regard portez-vous sur cette relative hégémonie, sur les relations entre les forces politiques régionales, sur les politiques menées et sur l’évolution de ces rapports locaux ?
Le Parti Socialiste local a globalement la tendance à se comporter comme n’importe quel parti qui aurait beaucoup trop de pouvoirs… Ailleurs l’UMP ou parfois le PCF font de même : refus du débat et de la contradiction, et résistance parfois « violente » quand il se sent « affaibli ». Mais je ne mettrai pas tous les élus dans le même panier, d’ailleurs nous participons à quelques majorités dans des municipalités là où nous estimons localement cela possible…
Ci-dessous : Un jardin en pleine ville. Reconquérir des friches urbaines en assurant le lien social, c’est la motivation des adhérents de l’assocation Jardinons Ensemble à Limoges. © France 3 Limousin
Les écologistes, et notamment les Jeunes écologistes, portent sur le terrain, à Limoges notamment, de nombreux projets souvent ambitieux, notamment celui des jardins partagés. Pouvez-vous nous en parler succinctement, et surtout nous expliquer dans quelle démarche s’inscrivent ces initiatives diverses ?
L’association Jardinons Ensemble à Limoges a été « imaginée » par certains d’entre nous et notamment Nahoum Champroy, son président. A présent, l’association est autonome et chacun y participe individuellement comme plusieurs dizaines d’adhérents non membres des jeunes écologistes.
C’est un gros succès car c’est un projet concret et il y avait visiblement une grande attente.
D’autres projets voient le jour. Nous essayons d’être le plus concret possible et de penser « à long terme ». Si nous pouvons faire quelques actions ponctuelles nous privilégions actuellement les actions à long terme : il y a les paroles (voire les promesses) mais nous préférons les actes !
Quelles sont vos perspectives personnelles, ainsi que celles du mouvement, en ce qui concerne l’engagement dans les prochaines échéances électorales locales (législatives, municipales) ?
Pour le moment je me consacre pleinement aux présidentielles et législatives. Je n’ai pas d’ambition personnelle, seulement celle de faire avancer mes idées tout au long de l’année comme à chaque élection. Je ne sais pas où je serai dans 1 ou 2 ans, même si je continuerai probablement de vivre à Limoges et donc d’y faire encore de la politique dans quelques années…
« Nous devons […] agir là où nous nous sentons prêts à agir. »
Quel message voudriez-vous faire passer à la jeunesse de 2012 ?
Un seul mot : Espoir ! Et la couleur de l’espoir reste le Vert ! Nous devons tous prendre les choses en main et ne pas se résigner, agir là où nous nous sentons prêts à agir.
En une phrase, à destination des jeunes, que pourriez-vous dire pour convaincre que l’écologie n’est pas qu’une utopie ou une solution très thématique, mais bien une façon d’appréhender la société toute entière ?
L’écologie par des exemples concrets (agriculture biologique…) offre d’ores et déjà des alternatives pour changer le monde, il faut à présent les généraliser et les multiplier pour offrir un avenir durable plutôt que de continuer à accélérer en fonçant dans le mur.
Une remarque finale ?
L’écologie c’est maintenant ! Et ici !
Liens :
Le site des Jeunes écologistes limousins.
La page Facebook du mouvement.
Reportage de France 3 Limousin sur les jardins partagés de Limoges.
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