
Perchoir pour Ségolène Royal, accord sur un « pack de circonscriptions » bien mal engagé entre écologistes et socialistes, parachutage de François Fillon « chez » Rachida Dati… il est clair que les élections législatives de juin prochain, qui devront valider la nouvelle majorité définie par les Français au scrutin présidentiel et à ce titre engager le pays dans des réformes sans doute historiques, prennent une place croissante dans les médias et l’actualité. La grande présidentialisation (et donc personnalisation) du pouvoir en France ne doit pas nous faire oublier en quoi notre régime démocratique repose aussi sur la représentation parlementaire.
A titre personnel, et je pense ne pas être le seul à le penser, il m’apparaît que la question des institutions et de leur modernisation, devra peser dans le débat de la campagne. Car rénover nos institutions me semble loin d’être contradictoire avec l’ambition de rénover le pays lui-même, et je me demande si la nouvelle majorité – que je souhaite de gauche, cela va sans dire -, aura le courage d’évoquer une rénovation du scrutin législatif, après avoir pris la peine d’aborder la question du cumul des mandats, dont il conviendra aussi de reparler.
De rénovation, Arnaud Montebourg, qui décidément ces derniers mois est bien au PS le porteur du drapeau des chamboulements, parle aussi. Sa toute dernière proposition de limiter à 67 ans l’âge des prétendants à la députation fait grand bruit. Et de voir s’enchaîner dans les reportages télévisés allusions aux dits députés, « dinosaures » Julia, Tibéri ou Lang. Et ceux-ci d’assurer l’absence de corrélation entre leur longévité politique et leur implication et attachement à leur fonction. Certes. Si supposer de leur part un acharnement à rester en place est sans doute légitime. il serait évidemment irrespectueux, et même mensonger d’établir un lien théorique entre âge et efficacité au travail d’élu. Ainsi, Arnaud Montebourg, que certains jugent jouer pour son image de « cheval blanc », ne s’attaquerait pas au bon aspect du problème, celui du cumul des mandats (que le PS s’est engagé à combattre mais qui est encore loin d’être une réalité) ?
La réforme de la carte électorale opérée par le gouvernement en 2010 a laissé des marques. Dans les discours, assez peu, il faut bien le dire. Ces modifications aux motivations légitimes mais aux concrétisations parfois bien discutables ont profondément refondé le paysage géographique politique français. Et Limousin. Car dans notre région, la réduction du nombre de circonscriptions (de 9 à 6) et avec elle d’autant de sièges [voir encadré ci-après], ne se fera pas sans encombre, une fois n’est pas coutume. Pour la droite, bien évidemment, qui battue dans les quatre circonscriptions de Haute-Vienne en 2007 n’était arrivée en tête au second tour dans aucun des cantons du département, et qui voit donc son ambition de briser le « grand chelem socialiste » encore bien amenuisée. Mais aussi pour la gauche, qui bien que presque assurée de garder les trois sièges de députés haut-viennois, aura avant tout du régler les questions de personnes…
En effet, le retrait presque inattendu de Marie-Françoise Pérol-Dumont, qui en janvier dernier assurait ne pas briguer un 4e mandat de députée de la 3e circonscription, semblait laisser place libre aux trois députés sortants, Monique Boulestin, élue depuis 2007 seulement, en tête. Le maire de Limoges, Alain Rodet, que l’on avait annoncé sans fondements partir pour le Sénat, était dès lors pressenti pour rempiler sur l’ex-quatrième circonscription, désormais élargie au centre de sa ville. Le discret Daniel Boisserie semblait être le candidat naturel pour la rurale deuxième circonscription du sud, tandis que Monique Boulestin, à moins d’un « échange » avec le député-maire Rodet, aurait pu hériter de l’ancien fief de la présidente du Conseil général. La perspective de voir une nouvelle figure politique adoubée par Marie-Françoise Pérol-Dumont pour prendre sa « succession » avait même laissé entendre que le doyen Rodet, qui en 2012 aura dépassé la fatidique limite d’Arnaud Montebourg, se concentrerait sur sa ville et sa métropole et laisserait donc presque logiquement son siège à sa première adjointe. Boulestin dans la première, Boisserie pour la seconde, une nouvelle tête dans la troisième (peut-être Andréa Soyer, maire de Bessines-sur-Gartempe et fille de Bernard Brouille, suppléant de « MFPD ») ; tout semblait réglé.
Oui mais voilà, en lieu et place d’Andréa Soyer, c’est désormais le nom de Catherine Beaubatie (voir ci-contre), 47 ans, par ailleurs vice-présidente du Conseil régional et adjointe au maire de Limoges en charge du développement économique, qui semble tenir la corde… pour l’ancienne circonscription de Mme Pérol-Dumont ! De quoi désespérer Monique Boulestin, égérie du « ressac rose » de 2007 avec sa glorieuse victoire face à Alain Marsaud (qui lui, prépare sa reconversion à l’étranger, nous en reparlerons sans doute…), qui s’est empressée de solliciter officiellement l’investiture socialiste pour la troisième circonscription, s’estimant « tout à fait légitime » pour cela, en espérant que la procédure se fasse conformément « aux modalités définies par le parti socialiste ». Il devrait donc y avoir, sauf accord ces derniers jours, une primaire pour départager les deux candidates… et peut-être un peu de rancœur, si Catherine Beaubatie venait à l’emporter…
Concernant l’éventuelle reconduction d’Alain Rodet pour briguer un huitième mandat consécutif, il va sans dire que le 7e député le plus cumulard de France (selon le classement établi par le journal Le Monde en 2009), sans doute le plus enraciné des parlementaires limousins (seul député de gauche à avoir résisté à la débâcle socialiste de 1993), se placerait contre les règles de non-cumul des mandats promises par la direction nationale du Parti socialiste depuis plusieurs mois. L’intéressé bottait en touche l’an dernier, quand invité de LCP, il assurait que le cumul de fonctions représentative et exécutive « [permettait …] de voir si les choses vraiment changent ou pas », et que l’application du non-cumul devait aller de pair avec une réduction du nombre total des parlementaires. Ce qui n’est pas dans les plans des prétendants à l’Elysée, le nombre de 577 députés étant même gravé dans la Constitution.
Il conviendra, une fois les désignations socialistes, de passer à la confrontation des idées et à l’évaluation des forces en présence : il sera intéressant de connaître les figures en qui la majorité présidentielle tentera de croire, notamment en cette période troublée entre centristes et UMP, Jean-Marc Gabouty apparaissant comme une des meilleures chances de la droite départementale. Quoi qu’on en dise, les sièges de ces toutes nouvelles circonscriptions feront – peut-être – l’Assemblée du post-sarkozysme.

LE REDECOUPAGE : La première circonscription historique, très urbaine car essentiellement limougeaude, comprenant notamment les cantons de Limoges-Emailleurs (dont le conseiller général est Raymon Archer, leader de l’opposition de droite au Conseil régional) et Limoges-Couzeix (dont Jean-Marc Gabouty, maire radical de Couzeix est conseiller) était jusqu’à présent la plus instable des quatre, tenue par la droite de 1993 à 1997 et de 2002 à 2007 par Alain Marsaud. Son éclatement au profit de trois nouvelles circonscrptions très largement calquées sur les trois circonscriptions de Daniel Boisserie (élu à 61 % en 2007), Marie-Françoise Pérol-Dumont (62 %) et Alain Rodet (près de 66 %), hypothèque donc très fortement les chances de la droite haut-viennoise d’envoyer l’un des siens au Palais Bourbon.
Photos : Y. Dussuchaud pour C. Beaubatie – perso. pour l’infographie.
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